Dans le rétro.
Marcel Duchamp
Why not sneeze Rrose Sélavy ?
Quand j’arrivais le matin, c’était toujours assez chiant…Et puis
d’entendre tous les matins l’autre m’appeler jobi joba c’etait assez
usant aussi…
Se prendre un café, allez voir comment la secretaire est habillée,
faire une caresse au chien du boss, puis disparaître dans l’entrepot.
En plus, on me colle un nouveau pour ma derniere semaine, apprend lui
les truc jb ok ? écoute j’ai plus qu’une semaine a tirer et je me suis
démerdé tout seul quand j’ai débarqué ici alors j’vais pas me faire
chier avec lui crois moi , ouais, pas de probleme.
Eh salut, moi c’est
jerome. On mange a quelle heure ici ? heuu ca depend vers les 13 h
normalement…
Ecoute t’sais quoi, on a pas grand chose a faire ce matin,
alors t’as qu’a rangé ce bordel de carton dans un coin, et ca ira , et
me casse pas les couilles.
Ok, mais tu fais quoi toi ? Moi je met des lacets dans des plastiques,
et c’est plutot cool, et j’en branle pas une alors fou moi la paix. Ah
ok c’est cool, putain j’ai faim…
Je m’installe pour foutre des lacets dans des plastiques. Ca peut
paraître hyper con et c’est hyper con, mais il me reste une semaine
alors je vais pas attaquer des grands chantiers.
Le chien du boss se
couche devant moi. Il est moche, il a pleins de poils, il pue, il bave
je le HAIS, il me regarde avec ses yeux a la con MAIS TU PEUX CREUVER
CONNARD, et en plus, il arrête pas d’essayer de m’enculer, alors je
suis tout gentil avec lui devant le boss, mais dès que je suis seul
avec lui, j’lui envoie un grand coup de pied dans les miches histoire
de le calmer de me monter sur la jambe sans arrêt,mais ce connard
s’acharne, et il me regarde avec son air pitoyable mais encore une
semaine ..une semaine…après ,retrouver ma petite fac…se lever a
10h…sortir avant la fin du cours…
Mon superieur qui ne sait rien fait son tour d’inspection…Je lui
demande ce que je fous de tout ces plastiques de lacets a la con, il
reflechit…bon jobi joba…tu sais quoi ? bon…attend, j’vais me prendre un
café et relever les mails…voilà, ca c’etait son truc. Y devait y avoir
trois pelos qui passaient sur le site de l’entreprise et encore, par
erreur, alors s’il se payaient trois mail par ans, c’etait le
max…autant qu’il me dise démerde toi tout seul . Il passe devant le
nouveau . Ca va ? ouais, putain j’ai faim.
C’est qui se connard qu’ils ont embauché ? putain…une semaine…et ce
clebard mais putain va te jeter sous les roues d’un poids lourd et me
fait pas cette gueule je te donnerais pas mon cul !
2 heure d’emballages de lacets plus tard, alors que je m’imaginais en
cours a m’endormir devant un CM d’art byzantin, mon superieur qui fou
rien m’appelle.
Bon jobi joba, t’as pris un café ce matin ? ouais. Bon,
y a le yougo qui arrive cet aprem, je sais pas ce qu’y a dans le
conteneur, je sais pas ce que c’est, je sais pas si y en a beaucoup,
demerde toi pour trouver une place dans l’entrepot, prend le nouveau
qu’a tout le temps faim avec toi.
Le yougo, c’etait en fait un routier qui venait de republique tcheque
nous livrer. Bref, j’avais pas envie de bosser, j’avais envie de voir
cette semaine se terminer, j’avais pas envie de bosser avec l’estomac
sur patte, j’avais pas envie de revoir la gueule de chien mouillé du
clebard homo frustré…
Bon ecoute jerome, y a un conteneur qui arrive cet aprem, faut faire de
la place la haut. Regarde, je te fou une palette sur le chariot
elevateur, tu monte dessus, tu fais monter tout le bordel en haut de
l’etagère, et tu pousse les cartons sur les cotés, et tu fais de la
place. Te fais pas chier a ranger, fout tout en bordel derriere, ca se
voit pas, puis c’est toi qui sera emmerdé plus tard parce que moi dans
une semaine je te laisse dans la merde, et fait bien gaffe au trou au
milieu de la palette, si tu fou le pied dedans, tu te casse la gueule,
putain, t’as bien compris ? Ouais. Eh c’est quelle heure ? 12h, j’vais
faire des lacets , bosse et ferme ta gueule.
Le clebard tente une petite sodomie mais il se mange mes baskets dans
le bas ventre. Je m’installe en pensant a la bibliotheque universitaire
bien chauffé en hiver, le clebard s’allonge a cote de moi,
il me regarde en coin.
Jerome n’y arrive pas. Je me relève, le clebard a une lueur d’espoire,
je vais aider jerome. Je monte, je renverse un carton du sommet, il
s’explose par terre, eh putain jb, t’as defoncé un carton ! je me
retourne, je fou le pied dans le trou, je passe presque a travers, eh
putain jb, t’as oublié le trou ! ouais ouais, t’inquiete, moi a la
rentrée, je dormirais sur une table d’amphi alors que toi tu te cassera
le cul dans cette boite d’eculé et de zoophile, ca va aller, viens on
va manger. Oh putain j’ai trop faim !
Je ne dit rien. Tous les collegues parle de boulot, bon jobi joba, ca a
été ce matin ? ouais. Et le nouveau, c’est une bonne recrut ? genial.
Eh jb, tu le veux le reste de lasagne ? Non, tu peux te le foutre dans
le cul si ca te fait fermer ta gueule, tu peux le prendre. Cool !
Bon prend un café jobi joba ! C’est prêt pour le yougo ? Ouais, on
l’attend.
Avant que le yougo arrive, je demande au collegue branleur ce que je
fais des lacets, il me dit qu’il termine la reponse du mail et qu’il
arrive.
Je vais prendre un café dehors, ou personne ne me vois. Jerome mange un
snikers. Le clebard court apres des parapentes dans le champs d’en
face. Il se mange un arbre a force de courir en regardant en
l’air…putain mais vraiment trop con. Il reviens, monte sur mes jambes,
mais une fois de plus je repousse ses avances.
Le yougo arrive. Le clebard va voir. Je me dis qu’il faudrait mieux que
je le planque, parce que si le clebard encule le yougo, je suis bon
pour un allé simple direction Grozny, trainé derrière son 35 tonnes, et
passer le reste de ma vie dans une cave a me faire casser le cul par
des milosevitch ou des Ceaucescu, y avait plus marrant comme
perspective.
Je fais installer le conteneur vers l’entrée. Bon jérome, c’est pas
dure, on les classe d’abord dehors, apres on pointe, apres on range ok
? Ouais, p’tain, y a un distributeur dans le coin ?
Degouliner de transpiration dans ce conteneur parqué en pleine
chaleure…Une petite salle de td, a coté de la fenêtre, avec une petite
brise et une vue sur les jardins…
On sort tout, on classe tous les cartons.. On range les cartons…Je ne
veux plus en voir de ma vie . Je deteste l’odeur des cartons…Je vais
balancer un gericane d’essence sur ces putains de stock, foutre le
clebard au milieu et tout faire bruler…putain, encore une semaine…
Bon jerome, on tient le bon bout…puisque t’es nouveau, j’vais
t’expliquer comment ca marche la poste. C’est pas dur, tu prend le
courrier la, tu separe regional et international, tu lui donne les
recommandés, et tu fais bien signer la feuille jaune ok ? Heuu j’fais
quoi avec les lettres ?
Donne tout au guichet, va t’acheter un cerveau, et elle se debrouillera
. Et prend le clebard avec toi, ca le fera sortir, et il pourra peut
être se soulager.
Il revient. Alors ? Il a essayé de t’enculer ? Ben non pourquoi , il
essaie avec toi ? Non non pour rien… Merde, le clebard a bon gout…il ne
me kiffe que moi, que moi qui le fasse bander. Le clebard se pointe devant moi,
avec sa gueule de camion citerne. T’es con mais t’es marrant clebard,
mais t’aura pas mon cul.
Je me couche dans la mezzanine entre des cartons pour dormir. Mon collegue branleur me dit qu’il se
casse parce qu’il faut qu’il aille cherche ses gosses. Je ne dirais
rien..Oh non putain, tu peux en être certain…Je vais suuurtout rien
dire…
La journée se passe…je ne sais pas comment rentrer. Le collègue qui me
remonte d’habitude est déjà partis. Eh patron, faudra le castrer ton
clebard, je fais comment pour rentrer ? Bon, prend la clio de fonction
la, tiens, prend les cles, fais gaffe sur la route, bonne soirée.
Merci.
Jérome me dit aurvoir. A demain mec !C’était une bonne journée hein ?
Ouais, trop cool . A demain.
Je met le contact. J’abaisse la vitre, je m’essuis le front . Je
démarre, je monte le viaduc, je regarde dans le rétro .
La plaine s’efface doucement , je grimpe dans la vallée, tout disparaît
en dessous, l’entreprise, les conteneurs, les cartons, le boss, le
clebard, jerome, le travail, la vie ouvriere, la merde…
Je passe negligement la cinquieme…M’enfonce dans le siège… Monte le son de France musique…J’esquisse un sourir…Même pas mort…